Le nouveau drame: Dancing On My Own (Robyn)

Ça c’est le premier clip de Robyn que j’ai vu. Il est bon hein? Non? Vous n’êtes pas d’accord? Vous le trouver un peu… bizarre? Un peu ridicule? Ouais… Moi aussi je pensais ça au début. Mais plus maintenant.

La première fois que j’ai entendu une tune de Robyn, c’était quand j’ai travaillé un mois chez Ludia. Ma boss partageait sa librairie iTunes sur le réseau et foutu qu’elle avait de la bonne musique! J’était tombé sur Robyn par hasard et j’ai accroché tout de suite.

J’ai dû écouté ses albums Body Talk part 1 et 2 une bonne dizaine de fois avant d’aller la chercher sur Youtube. Je voulais voir de quoi elle avait l’air. Avec sa voix aigüe de gamine et avec la toute petite photo de la pochette d’album qui venait avec les mp3, je lui donnait quoi… 16 ans? 18? Peut-être 23 ans gros max.

La première fois que je l’ai vu dans ce clip, j’ai évidemment réalisé qu’elle était pas mal plus vieille que ça. Et ça fait un choc! C’est clairement pas une petite poupounne photoshoppée comme on en voit par dizaine à Musique Plus. Elle a de l’âge. Et en cet époque de chanteuses pop de 20 ans, quand t’es rendu à 32 ans, t’es complètement out, dépassée et on veut pu te voir parce que t’es vieille et laide. (J’exagère à peine, vous le savez bien! L’industrie pense comme ça en tout cas.)

Et sa manière de danser. C’est quoi cette façon de danser là?! La première fois que j’ai vu le clip, j’avais l’impression d’un petit clip à petit budget. Elle dansait toute seule dans une grande pièce en regardant la caméra. J’avais l’impression qu’ils n’avaient pas eu de budget pour engager des figurants et des danseurs pour l’accompagné. Sérieux, c’est quoi ce clip weird?!?

Ça c’est ce que je me disais la première fois que je l’ai vu. Mais vous le savez, ils ne faut pas se fier aux appararences. Une fois la surprise passée, on comprend que c’est en fait un choix artistique. Je veux dire, si vous portez attention aux paroles, c’est exactement ça que ça dit: «dancin on my own«. Elle est allé à un party, elle avait un oeil sur un gars, le gars l’ignore, le gars embrasse une autre fille. Fuck! Pis la elle est triste. Elle est triste et elle pleure peut-être intérieurement, mais bordel, si c’est le cas, elle va certainement pas le laisser paraître. Faque elle continue de danser toute seule comme si de rien était.

C’est donc ça que le clip montre. Les plans alternent entre elle dans un party bondé de gens, qui observe le gars, et des plans où elle dans un genre de studio blanc tout éclairé, mais surtout désert. D’un côté, on a la réalité, le moment où elle est dans le party avec les gens, et de l’autre, on a ce qui se passe dans sa tête, mataphoriquement, avec elle qui danse seule dans cette salle vide. «So far away but still so near«. L’éclairage est d’ailleurs grandement utilisé pour donner le ton aux 2 environnements. Dans le party, c’est un éclairage sombre, très tamisé, où on ne voit que les silhouettes. De l’autre, on a un éclairage en high key, tout blanc. Frontal. Cru. C’est le genre d’éclairage utilisé en comédie. Parce que c’est tellement brut comme lumière, tellement peu flatteur, que tu as automatique l’air un peu moche et ridicule. Et elle a vraiment l’air ridicule à danser ainsi toute seule dans cette pièce vide! C’est presque aussi grossier que la petite chorégraphie du Star Wars Kid.

Mais elle a du guts la fille. Elle s’en contrefout! Elle danse tout seule et elle a l’air ridicule, mais c’était nécessaire. C’est ce qu’il fallait pour faire passer le message artistique de la chanson. Et là, je parle pas de la fille dans la chanson. Je parle de la vraie Robyn, la chanteuse qui a physiquement dansé ainsi dans le vidéoclip. Ça prend du courage pour volontairement danser de façon un peu ridicule selon les standards. Ça prend du courage et beaucoup d’humilité pour avoir l’air ridicule. Et pas ridicule comme un show burlesque où c’est sarcastique d’avoir l’air ridicule! On parle du vrai ridicule qui est pathétique et désespéré. Celui qu’on ne veut pas voir. Celui qui nous fait détourner les yeux. Celui qui nous rend mal-à-l’aise. Celui qui nous gêne. Elle danse comme une déchaînée attachée et ligotée par ses sentiments: c’est pas tout de suite beau à voir, c’est sûr! Le genre de situation où, dans la vraie vie, tu t’en vas en disant «J’la connais pas!» Mais là, elle l’a fait. Elle a fait un clip où elle danse bizarrement, sans sarcasme, sans masque. Voilà. C’est comme ça. Si ça vous gêne, vous avez juste à vous en aller et à la laisser tranquille.

C’est ce que j’aime à propos de Robyn. Derrière la musique pop hyper accrocheuse et hyper dansante, il y a une maturité et une vulnérabilité qu’on ressent si on y prête attention. C’est pas juste de la petite musique pop de fillette de 18 ans, destinée à tourner à la radio pendant quelques mois et à être oublié ensuite. C’est quelque chose qui a été réfléchis, qui a mûrit et qui va rester mémorable. Dans le même genre, je pense un peu au récent album de Madonna, Confessions on a Dance Floor, où la musique électro-dance accrocheuse cache des textes profonds et personnels.

Est-ce que je trouve encore que Robyn a l’air ridicule à danser ainsi dans le clip? Non. Certainement pas. Je la trouve énergique, puissante. Si elle a l’air un peu pathétique, c’est parce qu’on sait qu’elle est remplie de tristesse et qu’elle ne veut pas le montrer. On voudrait aller la consoler. Lui dire que tout va s’arranger. C’est du drame puissant, ça! C’est du niveau des Tristant et Iseult et des Roméo et Juliette! C’est du drame aussi fort que ceux des grands classiques, mais ça se passe aujourd’hui. Vous l’avez peut-être vécu vous-même. Et, sur le coup, vous avez peut-être, vous aussi, fait des trucs un peu ridicule.

Pensez à ça avant de juger trop vite un clip que vous n’aimez pas parce que «la danseuse a l’air conne». C’est peut-être juste un choix artistique.

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Mais fille, pourquoi t’es allé à un party toute seule? Ça doit ben être la chose la plus plate au monde! C’était ben courir après le trouble!


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