Comment fonctionne la curiosité (Et pourquoi les gens aiment autant l’internet)

Je viens de tomber sur un petit extrait intéressant dans un livre que je suis en train de lire (In Pursuit of Elegance de Matthew E. May). Ça parle des deux types de curiosité que les humains possèdent. La première est une curiosité diversifiée, qui fait qu’on est intéressé par la nouveauté, qu’on veut prendre des risques et qu’on recherche l’aventure. Cela fait opposition à la curiosité dites spécifique qui décrit notre volonté naturelle à vouloir examiner et investiguer quelque chose de spécifique pour pouvoir le comprendre. En d’autres mots, la curiosité diversifiée vise les choses en général et la curiosité spécifique cible un sujet précis.

Il y aurait 4 facteurs qui font qu’une chose pique notre curiosité: la complexité, la nouveauté, l’incertitude et le conflit («conflit» dans le sens de violation de nos attentes faces à cette chose).

Je trouve ça très intéressant parce que ça vient parfaitement expliquer pourquoi certaines choses comme les télé séries, les romans, les jeux vidéos ou les magazines sont fascinantes alors que d’autres ne réussissent pas à capter notre attention.

Les télé séries, les romans et les oeuvres de fiction en général ont tous un point en commun: leur récit présente une escalade de tension dramatique jusqu’à un point culminant, le dénouement, où tout est expliqué. Ça, tout le monde connait ça. C’est le fameux schéma narratif de type Début > Élément Déclencheur > Péripéties > Dénouement > Conclusion. Une bonne histoire qui nous garde accrochée le fait par l’ajout de beaucoup de tension dramatique: des questions laissées en suspend, une incertitude sur le résultat final (est-ce que le héros va gagner? Est-ce que Roméo et Juliette vont finir ensemble avant la mort? Est-ce que Bruce Willis va réussir à empêcher la fin du monde à temps?). Plus il y a d’incertitude, plus le spectateur ressent que «la fin approche» et plus il est accroché à l’histoire. Jusqu’à maintenant, je ne m’étais jamais vraiment demandé pourquoi. Maintenant, j’ai la réponse. C’est dans nos gènes de curiosité! C’est dans le fonctionnement naturel de notre cerveau. Plus une histoire est complexe et remplie d’incertitude, plus elle vient entrer en conflit avec nos attentes naturelles de spectateur, alors plus elle vient jouer avec notre curiosité naturelle.

Ces temps-ci, je suis en train de jouer à Ghost Trick (gratuit sur iPhone mais aussi disponible sur DS). C’est un jeu d’aventure avec des puzzles à résoudre. On y incarne un fantôme mort récemment qui doit manipuler les objets pour empêcher la mort de certaines personnes. Au fil de la progression dans l’histoire et dans les puzzles, le personnage qu’on incarne en apprend de plus en plus sur son identité et sur les nombreux mystères qui l’entourent (Pourquoi a-t-il ces pouvoirs? Pourquoi la même femme semble est victime de nombreux attentats? etc). L’histoire du jeu est vraiment prenante. Plus j’y joue et plus j’ai envie d’en savoir plus. Mais puisque c’est un jeu vidéo, Ghost Trick a un avantage sur les histoires racontés dans des médiums traditionnels non-interactifs. En effet, l’aspect de la nouveauté est non seulement véhiculée par l’histoire mais aussi par le gameplay. Au fil des puzzles, on découvre de nouvelles mécaniques et de nouvelles façons de manipuler les objets. Il y a donc une progression au niveau narratif mais aussi au niveau du gameplay, ce qui vient dédoubler la curiosité du joueur. À plusieurs moments dans le jeu, j’ai été vraiment surpris par la tournure des événements et par les nouvelles possibilités que ça apportait pour résoudre les puzzles et combattre le destin qui semble vouloir la mort des personnages. À partir de la moitié du jeu, comme pour un bon roman, j’ai été incapable d’arrêter de jouer jusqu’à la fin. J’étais trop curieux de savoir ce qui allait se passer ensuite.

Dans un autre ordre d’idées, l’autre jour, je réfléchissais à propos des sites qui sont populaires. Je pense ici à Twitter et Facebook, mais aussi à des sites comme Kotaku, Engadget, 9gag, Digg, Reddit ou, plus récemment, Pinterest. Dans tous les cas, ces sites favorises la découverte de nombreuses trouvailles. On y va et on ne peut s’empêcher de faire défiler et défiler les pages à la recherche de la prochaine chose qui va nous faire rire, sourire ou simplement être vraiment intéressant. Les sites sont construits de façon à nous laisser croire qu’il y aura toujours quelque chose de cool à voir si on continue à défiler un peu la page. Cela revient à satisfaire notre désir de curiosité diversifiée. On sait qu’en continuant d’aller sur ces sites, on pourra toujours trouver une nouvelle chose qui va nous intéresser. Notre désir de nouveauté est vraiment solicité et c’est donc pour ça qu’on retourne souvent sur ces sites en particulier.

Pour revenir aux jeux vidéos, ce qui fait qu’un jeu est intéressant est, entres autres, les apprentissages qu’on y fait et les choix qu’on doit faire basés sur ces apprentissages. Dans un jeu comme Portal, on apprend des mécaniques et on doit les utiliser pour progresser dans l’environnement. Dans un jeu comme Super Mario Bros, on apprend à maîtriser les mécaniques du jeu (sauter, courir, ramasser les pièces, sauter sur les ennemis) et on utilise ces apprentissages pour progresser dans les niveaux. L’apprentissage et la maîtrise des mécaniques et des systèmes de jeux, c’est ça qui fait qu’un jeu est intéressant. Si on revient aux 4 éléments qui favorise la curiosité, la complexité, la nouveauté, l’incertitude et les conflits mentaux, on peut assez aisément les relier au fun dans les jeux. Un bon jeu va présenter des nouveaux éléments au fur et à mesure qu’on progresse. Il va nous donner des défis et des problèmes complexes à résoudre en utilisant les connaissances qu’on a apprises. Les défis seront suffisamment ardus pour qu’on soit incertain de les réussir du premier coup et finalement, le jeu va parfois arriver avec des nouveaux éléments qui vont sembler en contradiction avec ce qu’on a vu précédemment, mais qui sont en réalité parfaitement logiques si on prend le problème d’un autre angle. Toutes ces méthodes viennent favorisé l’état de curiosité du joueur et c’est pourquoi on les retrouve dans les meilleurs jeux.

Un autre aspect intéressant que cette étude de la curiosité approche est un aspect qui peut permettre de comprendre pourquoi certaines personnes jouent à des jeux «hardcores» et d’autres à des jeux «casuals». Ce qu’il faut comprendre à propos de la curiosité, c’est qu’il y a un niveau déclencheur. Si le niveau de stimulation est trop faible, il n’y a pas de motivation à explorer l’objet et donc peu de curiosité ou d’intérêt. À l’inverse, si la stimulation est trop élevée, cela provoque de l’anxiété et le sujet cherche à en éviter la source. Pour que la curiosité soit à son maximum, et donc qu’une chose nous intéresse à son maximum, il faut que le niveau de stimulation soit juste au bon niveau, ni trop fort, ni trop faible. C’est à ce moment qu’on va être dans le «flow». C’est à ce moment là qu’on va dire que le jeu était «bien balancé». Et comme ce niveau de stimulation est différent pour chaque personne, je pense que les joueurs casuals sont simplement des personnes qui sont facilement stimulée par des jeux simples et que les joueurs plus hardcore sont des joueurs qui recherchent un niveau de stimulation plus élevée pour déclencher le maximum de curiosité et le maximum d’intérêt. À l’inverse, un joueur casual qui prendrait un jeu hardcore serait trop stimulés: il reçoit trop d’élément nouveaux trop rapidement, les éléments sont trop complexes pour les assimiler du premier coup, l’incertitude est trop élevée et tout cela provoque trop de conflit mentaux. Alors qu’un joueur hardcore apprécierait cela et serait curieux au maxium, un joueur casual en aurait peur et s’éloignerait d’un tel jeu.

Tout ça pour dire, ce cours extrait de mon livre a provoqué chez moi un haut niveau de curiosité!


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