J’ai retrouvé ce texte dans mes notes, que j’avais écris en mars 2011 sans rien faire avec. Je le partage ici à peu prêt tel quel.

Deux collègues de bureau prennent un café dans la salle des employés, assis à une table.

Le premier fixe son gobelet et parle lentement:

«Bon, là je sais pas trop ce qui m’arrive. Depuis quelque temps, j’ai l’impression que j’ai un problème sensoriel. C’est bizarre à expliquer. J’ai l’impression que mon esprit n’est pas tout à fait là. Mais j’en suis parfaitement et précisément conscient, ce qui n’a bien sûr complètement contradictoire. J’ai l’impression que les lumières ne sont pas aussi lumineuses qu’elles ne devraient. J’ai l’impression que ma musique est devenue moins forte, mais je sais parfaitement bien qu’elle est au même volume que d’habitude.»

Il regarde sans la voir la salle des employés, les yeux dans la vide. Les murs sont beiges. Aucunes fenêtres. Un frigo qui fait beaucoup trop de bruit. Une télé est allumée mais personne ne l’écoute.

«J’ai l’impression qu’il faudrait que je fasse quelque chose mais je ne sais pas quoi. J’ai l’impression de manquer de quelque chose mais pourtant je n’ai besoin de rien.»

«J’ai peut-être attrapé la maladie des contradictions. C’est peut-être grave. C’est peut-être la fameuse maladie de « la dépression » dont les psys parlent tant dans les magazines. Mais ça serait surprenant…»

Moment de silence. Le deuxième regarde le premier: «Hum… j’ai peut-être ce qu’il te faut alors.»

Il sort son telephone et pitonne un peu pour trouver un vidéo sur internet.

«Tiens. Regarde ça.»

Le premier regarde. C’est un vidéo des vieilles émissions de Batman et Robin des années 60. Ils sont dans un hélicoptère, Batman est suspendue dans une échelle de corde au dessus de l’océan et il se bat contre un requin (en plastique) qui lui mort la jambe.

Regardant la vidéo, le premier part à rire. C’est tellement absurde, tellement mal foutu. Il rit bizarrement. Ça sort de façon étouffée, avec sa tête renversée sur le côté.

«Ouf. C’était drôle ça. Je pense que j’ai senti mon fantôme sortir de ma bouche.»